Dans notre précédent dossier, nous avons abordé la loi travail au travers d’un résumé succinct des cinq ordonnances émises. Place à l’analyse avec un focus sur le licenciement.
Les petites et très petites entreprises ne sont, généralement, pas dotées d’un service juridique. Afin d’éviter les approximations des employeurs, de leur éviter des sanctions et de faire baisser le nombre de contentieux, la future loi travail prévoit de leur fournir un modèle de lettre de licenciement.
Cette lettre type reprendra notamment les droits et obligations de chaque partie, inscrites au contrat de travail. La lettre de licenciement produite par un employeur ne pourra pas être moins-disante par rapport à cet exemple. Elle devra également mentionner le délai imparti aux salariés pour contester la validité ou la régularité du licenciement s’il entend pouvoir l’opposer au salarié.
Ce modèle de lettre de licenciement devrait faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux avant leur adoption par décret en conseil d’État.
Autre disposition facilitant les démarches des entreprises et diminuant les risques de contentieux : possibilité leur est offerte de notifier à leurs employés de la rupture du contrat via cette lettre de licenciement, puis éventuellement de préciser le motif de rupture dans un second temps.
L’ordonnance prévoit en effet que ce motif puisse être précisé soit à l’initiative de l’entreprise, soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions qui seront fixés par décret en conseil d’État à paraître. En revanche, l’employeur ne pourra pas invoquer d’autres motifs que ceux déjà mentionnés dans la lettre.
Ces nouvelles règles facilitent les obligations de l’employeur, elles assouplissent les exigences en la matière afin de faire échec à certaines règles issues de la jurisprudence. Et les ordonnances ne s’arrêtent pas là.
Désormais, l’irrégularité constituée par une insuffisance de motivation ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. À défaut pour le salarié d’avoir demandé à l’employeur de préciser les motifs énoncés dans la lettre, l’indemnité dans un tel cas ne peut pas excéder un mois de salaire.
Si le salarié en revanche a demandé des précisions, le vice de motivation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Ainsi le salarié pourra demander la réparation du préjudice par une indemnité prévue par le barème obligatoire en application de l’article L 1235-3 du code du travail. Cette règle pourrait inciter les salariés licenciés à demander systématiquement des précisions sur leur licenciement.
Ces nouvelles règles seront applicables dès la parution des décrets et au plus tard le 1er janvier 2018.
Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, la lettre de rupture de contrat doit mentionner l’existence d’une priorité de réembauche et les informations relatives au contrat de sécurisation professionnelle si le licenciement est notifié avant que le salarié ait accepté ou refusé celui-ci. Elle peut également indiquer une proposition de congé de reclassement. Là encore, les dispositions évoluent.
Le cadre d’appréciation du motif économique et de recherche de reclassement devrait désormais se limiter à la France. L’ordonnance du 22 septembre 2017 relatives à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail restreint en effet le périmètre d’appréciation de ce motif.
Elle instaure également une notion restrictive du groupe de permutation de tout ou partie du personnel. Le groupe est défini par rapport au comité de groupe (groupe au sens du droit commercial) comme pour le périmètre d’appréciation du motif économique. En dehors des liens capitalistiques entre sociétés, un groupe de reclassements ne pourra plus désormais être retenu, par exemple, entre deux magasins d’une même enseigne ou des associations ayant la même activité.
Les modalités de propositions de poste sont simplifiées. Elles ne devront plus être nécessairement personnalisées. Les offres pourront être diffusées par tout moyen sur une liste de postes disponibles à l’ensemble des salariés. Les conditions de cette diffusion seront précisées par décret à paraître.
Les obligations de l’employeur en matière de reclassement se trouvent donc simplifiées. Selon le gouvernement, limiter le périmètre d’appréciation de la cause économique à la France lèverait un frein aux investissements étrangers.
L’employeur pourra instaurer une plus grande liberté dans la fixation du périmètre d’application des critères. Il aura aussi la possibilité de prononcer un licenciement économique avant un transfert d’établissement en élargissant le champ des entreprises concernées.
Depuis la loi du 8 août 2016, quatre causes peuvent justifier un licenciement économique :
des difficultés économiques : notamment, baisse de commandes ou de chiffre d’affaires sur une certaine durée variant en fonction de l’effectif de l’entreprise, perte d’exploitation ou dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation… :
mutations technologiques ;
réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
cessation d’activité de l’entreprise.
L’article est complété et précise que les difficultés économiques, mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité dans l’entreprise s’apprécie au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, mais seulement dans celles établies sur le territoire national.
Le secteur d’activité est désormais caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché.
Ces dispositions sont applicables aux procédures de licenciements économiques engagées après la publication de l’ordonnance au journal officiel soit le 24 septembre 2017.
L’ordonnance pose désormais le principe suivant lequel le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif et à défaut d’un tel accord ce périmètre ne peut être inférieur à la limite de la zone d’emploi.
Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements à minima à celui de la zone d’emploi serait donc étendu à toutes les entreprises procédant à un licenciement collectif non tenu d’établir un PSE, c’est-à-dire celle de moins de 50 salariés et celle de plus de 50 salariés procédant un licenciement collectif de moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours.
La nouvelle instance est informée et consultée dans les conditions et délais prévus aujourd’hui pour le comité d’entreprise ou les délégués du personnel et qui varient en fonction de l’ampleur du licenciement et de l’effectif de l’entreprise. Le CSE devra être renseigné et consulté, le cas échéant, sur les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. Concernant le petit licenciement collectif (inférieure à 10), le CSE devra rendre un avis dans un délai qui ne pourra être supérieur à un mois, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté. En l’absence d’avis dans ce délai, le comité est réputé avoir été consulté.
Le recours à l’expertise comptable est adapté. Même si l’ordonnance ne le prévoit pas expressément, on peut penser que le CSE pourra recourir à plusieurs experts, compte tenu de la spécificité des domaines d’expertise mentionnés. On voit mal un expert-comptable donner son avis sur les incidences du projet de licenciement sur les conditions de travail. Le décret à paraître pourrait fixer le délai dans lequel l’expert devra être désigné une fois acté le principe du recours à l’expertise.
Il existera toujours une double consultation en cas d’établissements multiples. L’employeur devra consulter le comité social économique central d’entreprise avant de consulter les comités sociaux économiques d’établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir des chefs d’établissements concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément.
La suite des règles concernant le licenciement sera abordé lors de la prochaine lettre d’information à paraître en novembre.
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