Les cinq ordonnances promises par le gouvernement sont désormais connues. Que changent ces textes par rapport à ceux déjà en place ? Le point de vue d’un expert-comptable spécialisé dans les comités d’entreprise.
L’un des buts avoués de ces ordonnances est de rendre plus facile et moins coûteux le licenciement pour les entreprises.
Simplifier, en proposant tout d’abord un modèle type, aussi bien pour le licenciement personnel que pour le licenciement économique.
Concernant le licenciement économique justement, le périmètre de l’appréciation des difficultés justifiant le licenciement est réduit à la France et non plus au monde, hors fraude.
Les montants des indemnités sont également modifiés :
L’indemnité légale de licenciement serait majorée de 25 % et serait octroyée dès le huitième mois d’ancienneté contre un an aujourd’hui.
L’indemnité sans cause réelle et sérieuse serait également limitée, elle serait de 3 mois de salaire brut minimum après 2 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés contre 6 mois actuellement. Un maximum de 20 mois s’appliquerait pour un salarié ayant au moins 30 ans d’ancienneté.
Enfin, les plans de départs volontaires des salariés excluant tout licenciement ne seraient plus considérés comme des licenciements économiques. Il s’agirait d’un accord collectif majoritaire.
La convention de branche prévaudrait pour les salaires minima (pas les primes), les classifications, la mutualisation des fonds paritaires, les garanties collectives complémentaires, certaines dispositions relatives au temps de travail, aux CDD et au travail temporaire et aux recours au contrat CDI de chantier, l’égalité professionnelle, les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai et le transfert conventionnel des contrats de travail.
La convention d’entreprise prévaut sur d’autres sujets : prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, insertion professionnelle et maintien de l’emploi des handicapés, effectif à partir duquel les délégués syndicaux pourraient être désignés, nombre de délégués syndicaux et valorisation de leur parcours syndical et primes pour travaux dangereux ou insalubres. Attention, si l’accord d’entreprise est conclu postérieurement à ces nouvelles dispositions, il ne pourrait pas contenir de dispositions moins favorables sur l’ensemble de ces sujets.
Dans les autres cas, enfin, les conventions d’entreprise ou d’établissement, antérieures ou postérieures, prévaudraient sur les conventions de branche. En l’absence d’accord d’entreprise ou d’établissement, la convention de branche s’appliquerait.
Des accords de maintien de l’emploi avec réduction de salaire pourraient se substituer de plein droit aux clauses contraires et incompatibles des contrats de travail. Si les salariés refusent, ils pourraient être licenciés. Leur licenciement n’aurait pas un motif économique et reposerait sur une cause réelle et sérieuse.
L’action en nullité des accords serait limitée à 2 mois.
La négociation collective obligatoire serait déterminée par l’accord collectif qui définirait les thèmes, la périodicité pouvant aller jusqu’à 4 ans, le contenu, le calendrier et le lieu des réunions, les informations à remettre aux négociateurs et la date de remise, ainsi que les modalités de suivi des engagements.
A défaut d’accord, les règles applicables aujourd’hui subsisteraient.
La négociation dans les entreprises sans délégué syndical serait réécrite. Dans les entreprises de moins de 11 salariés l’employeur peut proposer un accord sur l’ensemble des thèmes de la négociation qui devrait être ratifié par les 2/3 du personnel, de même pour les entreprises entre 11 et 20 salariés sans élu au comité social et économique.
Dans les entreprises entre 11 et 50 salariés des accords pourraient être conclus par un ou plusieurs salariés mandatés par un syndicat représentatif dans la branche ou à défaut au niveau national et interprofessionnel ou par un membre de la délégation du personnel du comité social et économique. Ces accords devraient être validés par celui ou ceux représentant la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections.
Pour les entreprises de plus de 50 salariés, rien ne changerait. Les accords signés par des syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections professionnelles, si ces mêmes syndicats ne demandent pas une consultation des salariés, l’employeur pourrait organiser la consultation, sauf opposition de l’ensemble de ces syndicats.
L’entrée en vigueur est prévue pour le premier janvier 2018.
Le comité social et économique se substituerait aux délégués du personnel dans les entreprises d’au moins 11 salariés, et aux 3 instances (DP, CE et CHSCT) dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Des représentants de proximité choisis par les membres du CSE pourraient être institués par accord. Le nombre de mandats successifs de 4 ans serait limité à 3.
L’entrée en vigueur est prévue le premier janvier 2018, mais des mesures transitoires sont prévues pour les entreprises pourvues de représentants du personnel à la date de la publication de l’ordonnance.
Les mandats pourront courir jusqu’à leur terme dans les anciennes IRP et au plus tard le 31 décembre 2019.
Pendant cette période les anciennes dispositions concernant les CE, DP et CHSCT continueraient de s’appliquer.
Les mandats arrivant à échéance avant le 31 décembre 2018 pourraient être prolongés pour une durée d’un an maximum par décision de l’employeur, après consultation des instances.
La mise en place d’une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail serait obligatoire dans les entreprises ou établissements de plus de 300 salariés. Pour les moins de 300, la commission pourra être créée par l’inspecteur du travail lorsque cette mesure se révèlera nécessaire en raison de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipement des locaux.
Le budget du fonctionnement non utilisé une année pourrait être affecté aux activités culturelles et sociales. A l’inverse, le solde non utilisé du budget des activités culturelles et sociales pourrait être affecté au budget de fonctionnement l’année suivante.
Le cofinancement des expertises ne se limite plus à l’expertise sur les orientations stratégiques mais également aux expertises ponctuelles sauf PSE (comme l’expertise sur les opérations de concentration…). Il se généralise et concerne par exemple l’alerte, financée jusqu’alors à 100 % par l’employeur.
Ces expertises seraient financées par le budget de fonctionnement à hauteur de 20 %, contre un maximum de 33% du budget de fonctionnement aujourd’hui.
Dans les établissements distincts, des comités sociaux et économiques d’établissement seraient créés ainsi qu’un comité social et économique central.
Cette instance pourrait devenir une instance unique par accord d’entreprise, le conseil d’entreprise, en intégrant la compétence de négociation.
Le périmètre de la recherche de reclassement qui s’impose à l’employeur serait limité au territoire national.
Le recours contre l’avis du médecin du travail serait simplifié.
Le dispositif de prévention de la pénibilité serait aménagé.
Un code du travail numérique accessible sur internet gratuitement à toute personne serait mis en place au plus tard le premier janvier 2020.
Le droit d’expression des salariés serait modernisé en promouvant le recours aux technologies numériques.
Le télétravail pourrait être mis en place dans l’entreprise par accord collectif.
Le télétravail occasionnel serait possible entre l’employeur et le salarié, sans formalisme particulier.
Tout salarié dont le poste de travail le permet pourrait demander à en bénéficier. Le refus de l’employeur devrait être motivé.
Le CDD ou l’intérim pourrait avoir une durée totale fixée dans les entreprises couvertes par un accord de branche, avec le nombre maximal de renouvellements possibles, le délai de carence applicable en cas de succession de contrats sur un même poste et les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable.
Le CDI de chantier ou d’opération serait possible non seulement dans les secteurs où son usage est habituel mais également dans les entreprises couvertes par un accord de branche définissant les raisons d’y recourir.
Les prêts de main d’œuvre entre un groupe ou une entreprise d’au moins 5 000 salariés et une jeune entreprise de moins de 8 ans ou une entreprise d’au plus 250 salariés n’ont pas le caractère de but lucratif même si le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels du salarié mis à disposition. Ce prêt ne pourrait excéder 2 ans.
Enfin le contentieux prud’homal serait modifié. Le bureau de conciliation et d’orientation ne pourrait plus renvoyer l’affaire devant le même BCO en cas de partage. Le BCO dans ce cas devrait renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement présidé par le juge du TGI dans le ressort duquel est situé le siège du conseil des prud’hommes.
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